23 août 2011
Fiction estivale - Changement de décor (7)
« - C’était il y a trois ans. J’étais à Londres pour affaires : ils ont là-bas des idées révolutionnaires en ce qui concerne l’immobilier. Je venais d’acquérir un immeuble en plein Paris hausmanien et j’avais bien sûr loué les beaux appartements au prix fort, sans problème. Il me restait les chambres de bonnes sur les bras et la loge de la concierge. Et c’est pour ça que je suis allé voir en Angleterre, les dernières avancées du libéralisme en la matière. C’est eux qui ont inventé les apparts loués à la semaine ou au week-end pour les touristes. Un coup de génie : là où on pouvait louer à de pauvres étudiants qui n’étaient pas forcément solvables, un 9 mètres carrés pour 700 Euros, on pouvait facilement louer au même prix, à la semaine pour des riches russes ou des Japonais en vadrouille Paris. 700 fois 4, le calcul est vite fait...Même si on ne trouve pas à louer toute l’année et d'autant plus qu'avec deux ou trois magouilles avec les impôts, ça devient carrément rentable. Bref. J’étais à Londres, je travaillais le jour, j’allais de rendez-vous en rendez-vous, de diner en diner et je profitais de la nuit pour faire du tourisme à Soho, si vous voyez ce que je veux dire. J’avais presque oublié que je n’avais plus 20 ans. Et c’est justement dans les bras d’une charmante demoiselle de Soho que je fis un infarctus.»
L’heure avançait, Tim écoutait poliment. Il avait l’impression d’avoir en face de lui un de ces mecs super riches. Un autre monde, qu'on ne voit qu'à la télé, dans les séries. Il pensait évidemment à son agence d’intérim fermée, à la colère de ses patrons, très riches, eux aussi, qui n’hésiteraient à le virer...John repris son récit...
« - C’est pour ça que je suis au vittel, aujourd’hui, dit-il en buvant une gorgée. Alors voilà, j’étais en Angleterre sur le point de claquer dans un bordel, je ne voulais surtout pas qu’on prévienne ma femme qui m’aurait fait une scène bien mauvaise pour ma santé...Et pour mon couple. Alors je me suis fait embarqué à l’hôpital. Je n’avais pas ma carte vitale Européenne et d’ailleurs, en Grande-Bretagne, ça n’aurait pas marché. Et je voulais, autant faire se peut, que ma femme ne s’aperçoive de rien. J’ai dû payer les examens, les prélèvements, les médicaments, les soins, l’opération (je me suis fait poser un stent), les journées et les nuits d’hôpital. J’ai senti passer la facture. Et ça a été comme une révélation : la sécurité sociale, c’est l’invention du siècle. Il faut tout faire pour conserver ce système en l’état. Parce que même si j’avais pu payer, je n’ai pas pu cacher la note à ma femme : ça faisait un trou dans le budget déco, je vous assure...Alors, imaginez-vous à ma place...»
Tim s’imaginait très bien, mort d’un infarctus, en plein milieu de Soho...
(à suivre)
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