25 avril 2011

Eldorado

"L'herbe sera grasse, dit-il, et les arbres chargés de fruits. De l'or coulera au fond des ruisseaux, et des carrières de diamants à ciel ouvert réverbèreront les rayons du soleil. Les forêts frémiront de gibier et les lacs seront poissonneux. Tout sera doux là-bas. Et la vie passera comme une caresse. L'Eldorado, commandant. Ils l'avaient au fond des yeux. Ils l'ont voulu jusqu'à ce que leur embarcation se retourne. En cela ils ont été plus riches que vous et moi. Nous avons le fond de l'œil sec nous autres et nos vies sont lentes." 

Ce roman de Laurent Gaudé date de 2007. A cette époque fort lointaine, Marie Le Pen n'était pas encore allée faire le tapin à Lampedusa. On n'avait pas encore entendu parlé de cette île dans les médias.

On a cru la découvrir suite aux révolutions récentes dans les pays du Magreb. On a cru que la Tunisie envoyait pour la première fois ses frêles embarcations couvertes de pauvres gens affamés sur les côtes d'Europe...

Ce livre raconte -entre autre- l'histoire de cette petite île, premier rocher de la "Citadelle" Europe, au large de la Sicile.

Ce livre raconte ce qu'est l'émigration : pourquoi les gens partent ? qu'espèrent-ils ? quels enjeux internationaux se cachent derrière ces bateaux vétustes abandonnés à la mer ? qui sont les passeurs et qui sont ceux qui sont près à donner tout ce qu'ils ont et à risquer leur vie pour passer ?

Le Capitaine d'une frégate qui admoneste les clandestins est le personnage principal de ce roman. Il sauve des vies pour les briser aussitôt. Pour renvoyer à la case départ ces désespérés qui ne peuvent pas faire autrement : partir, toujours, tenter encore et encore de rejoindre cet Eldorado. Et même si on leur dit, les yeux dans les yeux qu'en Europe, rien n'est à la hauteur de leur rêve, qu'ils seront toujours mis plus bas que terre, qu'ils avaient beau avoir étudié, là-bas, dans leur pays, ils ne seront jamais rien ici, ils ne veulent pas le croire. Rien ne pourra être pire que ce qu'ils quittent...

Le roman nous brosse des destins individuels. Des hommes et des femmes à la détermination sans faille, au courage à toute épreuve qui sont brisés par des enjeux qui les dépassent...

Aujourd'hui, quand Khadafi menace l'Europe de ses bateaux chargés d'immigrants, je comprends mieux de quoi il s'agit. Les êtres humains sont instrumentalisés et sont transformés en armes par les pays pauvres. Ce sont des armes écologiques : elles ne demandent que de l'espoir, et quand on a faim, il est facile de croire...

Les pays du nord l'ont bien mérité dans le fond : en se reposant sur toutes les richesses en laissant crever le reste du monde, elle ne peut qu'attiser les envies...Ils n'ont pas à refuser cette immigration, aujourd'hui : elle existe à cause d'eux...

Les rapports Nord-Sud, le partage des richesses, l'arrêt du pillage des ressources naturelles dans les pays du tiers-monde....Ce livre parle aussi de tout ça.

Il parle surtout des hommes...

Ce que j'oublierai, c'est ma vie entière
La rue sous la pluie, le quartier désert
La maison qui dort, mon père et ma mère
Et les gens autour, noyés de misère
En partant d'ici, pour quel paradis ou pour quel enfer...
J'oublierai mon nom, j'oublierai ma ville
J'oublierai même que je pars pour l'exil

Il faut du courage pour tout oublier
Sauf sa vieille valise et sa veste usée
Au fond de la poche un peu d'argent pour
Un ticket de train, aller sans retour
Aller sans retour

J'oublierai cette heure où je crois mourir
Tous autour de moi se forcent à sourire
L'ami qui plaisante, celui qui soupire
J'oublierai que je ne sais pas mentir
Au bout du couloir
J'oublierai de croire
Que je vais revenir
J'oublierai même si ce n'est pas facile
D'oublier la porte qui donne sur l'exil

Il faut du courage pour tout oublier
Sauf sa vieille valise et sa veste usée
Au fond de sa poche un peu d'argent pour
Un ticket de train, aller sans retour
Aller sans retour

Ce que j'oublierais, si j'étais l'un d'eux
Mais cette chanson n'est qu'un triste jeu
Et quand je les vois passer dans nos rues
Etranges étrangers, humanité nue
Quoi qu'ils aient fuit
La faim, le fusil
Quoi qu'ils aient vendu
Je ne pense qu'à ce bout de couloir
Une valise posée en guise de mémoire... 


Juliette, Aller sans retour, Bijoux et Babioles, 2008.

CC
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1 commentaire:

  1. Intention de vote des ouvriers au 1er tour de la présidentielle de 2012 :

    Marine Le Pen : 36 % d'intentions de vote.

    Dominique Strauss-Kahn : 17 %.

    Nicolas Sarkozy : 15 %.

    Nicolas Hulot : 9 %.

    Jean-Louis Borloo : 9 %.

    Nicolas Dupont-Aignan : 4 %.

    François Bayrou : 3 %.

    Dominique de Villepin : 3 %.

    Jean-Luc Mélenchon : 2 %.

    Olivier Besancenot : 1 %.

    Nathalie Arthaud : 1 %.

    (Sondage IFOP Paris-Match, mardi 27 avril 2011)

    Au secours.

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