Après avoir parlé très brièvement de la première partie du livre de Razzy Hammadi, voici mes impressions à propos de ses propositions politiques.
Dès le début, dès la première partie qui est autobiographique, la démonstration que parvient à faire ce secrétaire du PS,
c'est que ce parti est un panier de crabes sans nom et que même une chatte n'y retrouverait pas ses petits.
L'auteur explique que pour rentrer au parti, alors qu'il était encore étudiant, il lui a fallu lire des tonnes de bouquins pour comprendre tous les courants, toutes les motions, toutes les querelles personnelles. C'est vrai qu'il était dans le midi et que les gens, là-bas, ont le sang chaud. Mais il est évident que cela reflète bien l'ambiance lamentable que le PS dégage dans les médias. Ce n'est pas glorieux et ça ne fait pas envie.
En tout cas, il semble que Razzy Hammadi se soit parfaitement
intégré...
Après cela, l'auteur donne une analyse de
l'Europe, de la France, des services publics qui est assez convaincante et plutôt marquée à gauche.
Il explique notamment les joyeusetés de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) ou autres NOME (nouvelle organisation du marché de l'électricité). Il démontre très bien que les politiciens, depuis la fin des années 80 se cachent derrière l'Europe pour imposer un libéralisme éhonté et pour faire reculer chaque année l'Etat et les services publics.
L'auteur de Gauche : génération 2012, ce que nous voulons, ne s'en défend pas : la gauche, au cours des trente dernières années, a nationalisé, dénationalisé, renationalisé, redénationalisé. On n'y comprends plus rien et on a du mal à y croire encore.
Vient ensuite le temps des exemples, des propositions.
La Poste, déjà. Il nous raconte qu'il est à l'origine du référendum et qu'il est pour une renationalisation de la Poste, en réfléchissant à distribuer le courrier non plus à jour+1 mais à jour+2. Pourquoi pas ? Il est vrai que pour les urgences, il y a le mail et le téléphone...Mais je ne sais pas si tout ça est bien réaliste et surtout si cela changera grand chose à la politique de dégraissement de la bête. Les suppressions d'emploi risquent bien de continuer...
Hammadi prône ensuite une personnalisation des service : il pense que le service public ne pourra pas résister au service privé, s'il n'est pas personnalisé, à l'image des forfaits de téléphones portables. J'avoue n'avoir pas vraiment saisi ce qu'il entendait par là et en quoi cela allait être plus performant et surtout, comment cela serait mis en pratique. Certes, la Poste est ouverte souvent uniquement durant les heures où les gens sont au boulot. Mais va-t-on ouvrir le dimanche et la nuit ? L'informatisation des pratiques est évoquée. Mais peut-on tout faire par mail ? Pour Noël, envoyez vos colis par e-mail ! Faxez votre pot de foie gras à votre Grand-Mère...
Autre exemple : la création de crèches, au sein du service public. Très bonne idée, inutile de revenir dessus. Réduire les niches fiscales des emplois de service, justement dévouées à la garde des enfants (des riches), pour financer les dites crèches, qui en seront plus égalitaires. Cela me semble pertinent, d'autant que c'est à l'opposé total de la politique actuelle qui remet même en cause l'école maternelle.
Vient ensuite une analyse économique qui commence par rappeler que les PME sont une force vive de notre pays et surtout qu'il faut bien faire la différence en entre ces petites et moyennes entreprises et les grosses boîtes du CAC40. Les premières rament tous les jours pour que les banques leur concèdent des crédits, pendant que les autres déjeunent au Fouquet's avec qui vous savez. Ces entreprises tisent du lien social, au niveau local, et créent des emplois, tandis que les secondes cherchent à écraser les coûts (et donc les salariés), pour faire du bénéfice à tout prix, même celui de la délocalisation.
Il parle ensuite de l'Autre économie. Avec un A majuscule. L'économie sociale et solidaire. Les AMAP, AMAC, Mutuelles, coopératives, SCOP...qui représentent actuellement 7% du PIB. On a envie d'y croire très fort. Hammadi nous suggère que cela pourrait être le chemin vers le retour du plein emploi...Vision de bobo ? On a quand même envie d'y croire puisque c'est un moyen de localiser les emplois, de court-circuiter la Bourse et ses actionnaires, de réduire la dépense publique et même, en quelque sorte, créer un service public "bis". Les chiffres proposés sont excellents. Mais qu'en sera-t-il à une plus grande échelle ? Les AMAP sont une réussite, mais dès que l'on passe à des productions moins concrètes, il me semble que c'est moins probant : l'exemple de WIkipédia, cité par Hammadi, me semble bien contestable.
En tout cas, je crois que l'idée
d'une richesse différente de celle prônée par le capitalisme n'est pas sans intérêt et je pense que c'est une vraie piste de réflexion pour la gauche de la génération 2012. Ceci n'est évidemment pas sans lien avec l'environnement...
Ensuite, ce qui ressemble à un véritable projet présidentiel, évoque l'éducation : c'est en s'appuyant sur son expérience personnelle qu'il constate que la société a changé très vite et que c'est sans doute à l'école qu'on s'en rend compte le mieux et qu'il propose de changer l'école rapidement. Il dénonce très justement l'inégale répartition des moyens qui consiste à donner plus d'argent au collège et encore plus au lycée pour faire du "soutien" alors qu'il semblerait plus logique de s'attaquer aux difficultés le plus tôt possible, pour éviter les rapiéçages tardifs. Pour le reste, je ne suis pas certaine que le projet soit bien ficelé et tellement concret : modification des rythmes, sport l'après-midi (tiens, Chatel a la même idée), éducation populaire en partenariat avec l'éducation nationale pour "former des citoyens", intégration des TICE, mise en place d'un service public d'accompagnement scolaire...Du vague dans du flou, sans proposition de financement. Léger pour la prof que je suis.
Enfin, le jeune membre du bureau national du PS explore la question dont il est le spécialiste : le logement.
Le constat du désastre est juste : la France de propriétaires que veut Sarkozy nous mène tout droit au
subprimes de Bush. Les solutions, pour Hammadi, sont celle-ci : revenir à la France d'avant Giscard, avec "aide à la pierre", loyers fixés par la loi et promouvoir à part égal le logement social et la propriété privée. Je ne suis pas assez calée pour savoir si c'est bien. Reste encore, à mon avis, le problème du financement. Mais il est vrai que si on supprime tous les avantages fiscaux type Loi Scellier, ça doit faire un petit budget. Il parle aussi du "1% logement".
C'est par un constat sur les banlieues, lié à la problématique du logement, que le livre se termine, avant une conclusion générale. Là aussi, ses constats sont bons : les banlieues, ça craint, c'est moche, ceux qui y vivent ont moins de chance que les autres, ont du mal à s'en sortir et sont plus souvent au chômage. L'Etat délaisse complétement ces lieux, Fadela parle un verlan épouvantable et le couvre-feu n'est pas la solution au problème.
Pour lutter contre tout ça, il faut faire en sorte que les banlieues voient leurs parcs d'immeubles détruits pour reconstruire des beaux pavillons tout neufs, que les commerces s'y installent, que l'éducation y soit une priorité et que les transports y soient performants. Tout le monde ne peut être que d'accord. Pour la mise en pratique, c'est un peu flou, là encore, je trouve. Les partenaires privés publics, les associations, le 1% logement...
Pour les associations, Hammadi regrette qu'elles soient peu structurées. Il faut dire que les budgets, ces dernières années ont été revus à la baisse, à cause de la disparition des subventions de l'État. Il regrette aussi que les partis politiques et les syndicats aient désertés les lieux. Il regrette, enfin, que ce soit les association confessionnelles qui aient pris le relai.
Sur la religion, je dois dire que j'attendais un peu plus de Razzy Hammadi. Il évite le sujet, me semble-t-il, en ne l'évoquant que quelques fois : lorsqu'il parle de sa jeunesse, durant laquelle ses parents étaient laïques et tout à la fin de son essai, en quelques mots à peine. C'est à mon avis un thème que le PS doit investir sans crainte. Il ne suffit pas, comme il le fait dans sa conclusion d'appeler de ses voeux une France dans laquelle "la terre, le sang de ses citoyens et les identités religieuses ne constituent en aucun cas les déterminants". Il faut se confronter à ce problème de la laïcité.
Dans sa conclusion, le livre, écrit très récemment, surprend : alors que l'auteur dit défendre la retraite à 60 ans, il se dit, dans le même temps, pour un allongement du temps de cotisation.
C'est ce qui finalement, me confirme dans
mon avis très mitigé sur l'ensemble du livre : il m'avait semblé que Razzy Hammadi proposait un programme résolument à gauche et puis, au fil des pages, je l'ai vu faire des propositions tièdes et parfois contradictoires. Il me semble que la génération des
trentenaires, dont nous faisons partie tous les deux attend de la Gauche qu'elle soit encore plus ambitieuse et innovante, qu'elle sache se défaire de la lourdeur des partis pour aller vers plus de participation collective dans la construction d'un projet...Tout n'est pas à jeter, mais rien n'est absolument neuf dans ce que propose Hammadi...
Au boulot !
CC