31 juillet 2010
Fiction de l'été - Episode 5
Quelques heures plus tard, c’était le commissaire lui-même qui prenait la déposition finale du ministre, dans son bureau.
Finalement, on avait préféré bichonner un peu les personnalités. Pas de traumatisme, surtout pas de garde-à-vue sinistre. On avait déjà bien assez de problèmes : le climat français laissait à désirer, depuis le meurtre. On réclamait la vérité, on réclamait des élections, à gauche, on réclamait presque un putsch à la droite de la droite, on commençait à avoir peur, à se cloîtrer dans les banlieues chics et à bouger beaucoup dans les banlieues moins chics.
Tout ça dans l’ambiance électrique d’un été caniculaire.
Il faut dire que le mois de juillet avait été tendu pour tout le monde : le défunt président était au plus bas dans les sondages de popularité. Il avait tenté l’agitation extrême. Il avait le jeu du tout sécuritaire, s’en prenant aux Roms, aux immigrés, aux délinquants, aux récidivistes, aux jeunes...Bref, à tout ce qui faisait peur, d’ordinaire, à son électorat favori : les vieux.
Mais l’affaire Bettencourt ne faisait rien pour améliorer les choses. On criait même chez les anciens, au «Tous pourris».
La déposition et les déclarations médiatiques du ministre fut plus sobre que ses déclarations avinées du matin. "J'ai un alibi pour le jour du meurtre. J'ai toujours porté une admiration, un respect et une fidélité absolus au président qui m'a d'ailleurs toujours soutenu, la justice doit faire son travail, mais je n'ai rien à voir dans cette malheureuse histoire. Je tiens à nouveau à présenter mes condoléances sincères à Mme le président."
20/20 en langue de bois.
La deuxième personne à interroger, en attendant, c'était justement Madame.
A l'Elysée, la première dame de France recevait sans discontinuer des témoignages de souffrances partagées du monde entier, du showbiz entier, de la bonne société entière.
Elle jouait bien mieux la veuve éplorée que dans le dernier film de Woody Allen.
Elle était là, le soir du crime. Elle devait avoir des infos.
Le premier contact entre les enquêteurs et cette belle femme fut intimidant. Elle mettait de la distance, de la tristesse et des larmes dans chacun de ses gestes.
Elle déclara cependant que, selon elle, la garde de l'Elysée était en béton, normalement et que pour la franchir, il fallait être connu. Elle suggéra que les ministres avaient la permission de franchir les grilles. Mais elle balaya aussi cette hypothèse en déclarant que le gouvernement, bien sûr était parfaitement soudé, que tout le monde s'entendait très bien, que ces hommes et ces femmes passaient ensemble des moments formidables...Comme une équipe d'acteurs sur un tournage. Le genre de déclaration que les comédiens font sur les plateaux de télé, du moins...
Et puis, elle demanda quand elle devrait quitter l'Elysée. Elle ajouta qu'elle redeviendrait la saltimbanque qu'elle avait toujours été. Mais on savait bien qu'elle rejoindrait aussi vite que possible la luxueuse maison familiale du sud de la France.
Tout le monde semblait jouer un rôle dans cette histoire. Difficile d'en savoir plus, pour l'instant.
(A suivre)
CC
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Je mise sur la veuve éplorée. Je l'ai toujours trouvée louche ;)
RépondreSupprimerHello Zorane,
RépondreSupprimerC'est une possibilité ! C'est sympa, j'ai plein d'avis en commentaires, plein de pistes à suivre !
Soit je suis les conseils des lecteurs, soit il faut que je fasse preuve de beaucoup d'imagination !
Heureuse de te trouver dans les commentaires qui ne sont plus soumis à identification !
A bientôt