29 juillet 2010
Fiction de l'été - Episode 4
Le cognac sifflé d’un coup, la cravate dénouée, l’homme d’Etat était près à se livrer. Valandier tâta doucement le terrain :
«- Je suis là pour l’assassinat du président. Comme vous le savez déjà, la piste privilégiée est celle de «l’affaire». Vous êtes donc en première ligne, c’est inévitable. Pour l’instant, ce que nous dirons dans ce café sera informel. Nous ne prendrons votre déposition qu'au commissariat, ensuite. Mais il était important que nous nous rencontrions rapidement pour avoir votre première impression et pour nous faire la nôtre. Vous savez cependant que de nos jours, plus rien n’est «off»...
- Oui, je sais. Je ne le sais que trop bien. Fichu internet. En même temps, peut-être que c’est mieux pour la démocratie. Objectivement. Mais je ne suis pas très bien placé pour être objectif. Bon. Soyons honnête...»
Il eut alors une sorte de petit sourire piteux, entre l’ironie, l’auto-dérision et le dégoût.
«- Le jour du crime...
- La nuit du crime, interrompit l’inspecteur...
- Oui, la nuit du crime, j’étais avec mon épouse. J’ai un alibi. C’est tout ce que vous vouliez savoir, non ?
- Nous vérifierons. Mais ce n’est pas tout, non. Nous devons faire ensemble le tour des intérêts potentiels que vous auriez pu trouver dans le meurtre du président...
- Vous plaisantez ? Il a été le seul à me défendre et à me soutenir ! C’était mon meilleur allié, dans cette histoire : n’importe qui d’autre aurait exigé ma démission dès le début. Il a tout fait pour me tirer d’affaire, il a même demandé, en express, une enquête financière pour m’innocenter. Vous savez quoi ??? Vous feriez mieux de protéger ma vie, plutôt que de m’interroger comme un assassin ! »
Le ministre était totalement sorti de ses gonds. Il vociférait, dans le café où les habitués s’accrochaient au zinc en retenant leur souffle.
Le policier était perplexe : oui, le président l’avait soutenu, tout en promettant un remaniement ministériel plus tard, après l’été. Mais il avait aussi tenu ses distances, ces derniers jours. Il avait surtout tenu à marquer sa distance avec la milliardaire. Du genre : «Je ne mange pas de ce pain-là, moi...». Il avait déjà tellement de soucis...
Quand ces objections furent faites, le ministre parut encore plus désemparé qu’auparavant.
« - Vous savez, moi, je suis un homme fichu, de toute façon. Ma carrière est terminée. Je suis fini, mort. Un scandale pareil...Toutes ces années perdues...que ce soit vrai ou pas, vous savez ce qu’on dit : il n’y a pas de fumée sans feu. A part me mettre à faire du théâtre ou des affaires sur internet, comme Tapie, je n’ai plus rien à perdre...»
Plus rien à perdre. Exactement ce que se dit un criminel quand il passe à l’action. Parfois.
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Ce qu'il y a de sympa (en plus !) c'est de t'imaginer construire le scénario au fil de l'actualité de l'été...
RépondreSupprimerAbsolument : je n'ai aucune imagination ! :)
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