20 avril 2010

Papy


Claudius avait 90 ans.

Il était le patriarche bienveillant de la famille. Il portait un regard apaisé et philosophe sur la vie.

Il tenait au bonheur de chacun de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants et il se tenait au courant de tout : de nos études, de nos boulots, de nos amours...

Dans sa vie, il a beaucoup travaillé. Il a vite fini ses études HEC (Hautes études communales) pour aider sa mère, à la ferme : son père avait subi 14-18 et en était mort. Il a perdu très jeune sa sœur, aussi, d'une méningite. Il aurait aimé être boucher ou coiffeur. Mais il a dû reprendre la ferme, faire bouillir la marmite avec sa mère, tant bien que mal.

Il a subi les chantiers de jeunesse pendant la guerre, il a bouffé des rutabagas et des topinambours, dans un coin froid des Alpes, il a marché dans la neige, avec le ventre vide...

Aujourd'hui, rien n'est plus bobo que de manger des topinambours. Il haussait les épaules en riant. Le monde est absurde, mais il le savait déjà...

Ironique, mais pas désabusé, loin de là. Il croyait qu'on peut faire des choses, si on veut, ensemble. Il a d'ailleurs développé les coopératives laitières : à son niveau, il a participé à la valorisation du travail des agriculteurs. Il savait que tout seul, on n'arrive à rien.

Il nous a transmis ces valeurs de partage et de travail en commun.

Chaque jour, il lisait le Dauphiné et Libé. Chaque semaine, il dévorait le Canard et Marianne. Il avait l'œil qui pétillait, quand je lui parlais de Sarko ou de Carla, il se plaignait de la feuille de chou de Joffrin, qui ne valait plus rien, surtout depuis 2007 et la cabale anti-Ségolène et encore plus depuis que le journal s'était amusé à confier la rédaction à la première dame de France.

Tout ça le faisait marrer, dans le fond. Il en avait vu d'autres...On aimait tous passer du temps avec lui, chez lui, au coin de son feu, dans sa cuisine où il faisait 30°C en hiver, mais frais en été. On aimait boire un verre de son K6 maison, avec de l'eau ou avec du vin blanc...On aimait partager l'amour qu'il avait de la vie et de la bonne chère...On a tous plus ou moins hérité de ses recettes de pâtés et de diots...

Il nous a transmis une mémoire aussi : celle de la famille...Ensemble, avec ma cousine, on a passé quelques heures aux archives du département pour reconstituer un bon morceau de notre arbre généalogique...Ce travail l'avait fasciné et grâce à sa mémoire, nous étions déjà remonté assez loin.

Il se souvenait de ce que lui avait raconté son grand-père, je crois.

Je me souviendrai, autant que possible de ce que m'a transmis le mien.

Il est mort ce week-end et même si c'est un bel âge, je me m'habitue pas à l'idée que je ne verrai plus son regard pétillant.

CC
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19 commentaires:

  1. une bise ! Ravie de t'avoir vu en vrai :)
    Je pense qu'à l'heure qu'il est ton grand-père est en train de faire découvrir son K6 au mien, qui doit apprécier ;-)

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  2. C'est toujours difficile de perdre un être cher, courage et sincères condoléances

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  3. Quel bel hommage. Emouvant. Très émouvant.
    Te dire "sincères condoléances" semble un peu plat mais... sincère.

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  4. De tout coeur avec toi...

    Cette génération va cruellement nous manquer j'en ai peur ^

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  5. Pas marrant... Pour avoir perdu un très proche y a peu, je crois comprendre ce que tu peux ressentir, et timidement je t'envoie des gros bisous...

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  6. même si il était très agé c'est toujours difficile de voir partir quelqu'un qu'on aime.
    c'est quand même beaucoup de chance d'avoir connu ton grand père aussi longtemps et un grand père pareil

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  7. Quel week-end passé du sourire aux larmes... bises ma belle.

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  8. Il avait l'air sympa ce papy, triste

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  9. Bon courage pour cette douloureuse journée ma belle. Je t'embrasse très très fort.

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  10. À CC, l’auteur du blog,

    Comme un enfant qui offre un dessin à quelqu’un qu’il aime, je vous ‟offre” ce texte. Il se rapporte à mon père, vous c’est votre grand-père, mais visiblement le vide fait TROP mal à l’un comme à l’autre. Et je vous dis : bien affectueusement.

    Au long de ces années a pesé lourd ma croix.
    Subsiste à tout jamais un sentiment de vide
    Dans cette obligation de sourire sans toi
    Pour à terme accepter (!) ce coup du sort perfide.

    Comme penser à toi met bien à mal mon cœur !
    Cette impression de manque, en l’absence d’un père
    (Tu fus pour moi un guide autant qu’un géniteur)
    Me laisse fort meurtri ‒ comme d’ailleurs ma mère.

    Au Panthéon secret de mon doux souvenir,
    De ces pensées ancrées qu’à jamais je ressasse,
    Que je retourne ou que je cherche à réunir,
    Tu seras pour toujours à la première place.

    Maurice CURIE

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  11. Bel hommage...
    De tout coeur avec vous...

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  12. Bel hommage...
    De tout coeur avec vous...

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  13. J'ai pensé à ma grand-mère décédée ce mois-ci en lisant ton billet. Pas eu la force et pourtant je lui dois tant...

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  14. Merci encore de tous vos témoignages d'amitié...

    :)

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