Je me dis souvent qu'il faut absolument changer notre société, nos façons de vivre. Je suis tentée par la décroissance...Je le pense, mais je ne le dis pas forcément. Pas avec n'importe qui.

S'il m'arrive, un soir que je suis un peu échauffée, de laisser s'échapper cette pensée, je rencontre des réactions diverses : dans le meilleur des cas, des réponses amusées : "Ouais, et la guerre, c'est moche !"...Sinon, je passe pour une folle ou pour une dangereuse communiste révolutionnaire, une rouge gauchisse sanguinaire, le couteau entre les dents.

Si la soirée n'est pas trop avancée, cependant, certaines personnes argumentent quand même, un peu : "Franchement, la démocratie c'est...euh...le système le...moins pire qu'on a trouvé..." Devant mon air un peu supérieur sans doute, il y a toujours une hésitation à dire "le meilleur".

"Franchement, la démocratie donne à bouffer à tout le monde, à peu près...Du pain pour tout le monde...ou presque...Ouais, y'a des exclus, mais quand même, tu me feras pas penser que ceux qui sont exclus le cherchent un peu...non ?"

Ils cherchent, c’est sûr, les chômeurs qui font foison depuis quelques mois. Tous les virés de chez Mital, Continental, Key plastic...

Est-ce que ce n’était pas eux qui jouaient le plus le jeu de la société de consommation, du capitalisme : quoi ? Ce n’est pas ça qu’on nous propose comme démocratie ?

N’était-ce pas ces ouvriers qui achetaient des écrans plats quand on leur disait que leur poste cathodique n’était plus d’actualité ? N’était-ce pas ces salariés du privé qui s’engageaient dans des prêts de 20 ans pour acheter des maisons ? En contrepartie, qu’on leur foute la paix, c’est tout !

(Kevin Bauman - 100 abandoned houses)



Ce sont eux les plus appliqués à faire tourner le système. Des bons élèves. Sans aucun doute, de bien meilleurs élèves que les vagues bobos décroissant dont je fais partie.

Pourtant, ce ne sont pas ceux qui râlent. Quand ils ont un emploi et que tout va à peu près bien, ils ne vont pas voter ou votent à droite, pour des motifs sécuritaires, par peur de perdre ce peu qu’ils ont.

La peur. Voilà le pilier de cette démocratie : si un citoyen a peur de perdre le peu qu’il a, alors, il ferme sa gueule.

C’est bien le problème de ces feignasses de fonctionnaires : ils n’ont pas la trouille de perdre leur boulot. C’est bien pour ça qu’ils gueulent tout le temps. Ils mettent en danger le système qui les nourrit…

Et les prolos râlent : eux, ils ne peuvent pas se permettre de faire grève. Eux, ils bossent, oui Môssieur, et dans le fond, ils ne se rendent pas compte : tant qu’ils ont un salaire, tant qu’ils ont de quoi se payer une petite mutuelle, les franchises médicales, les déremboursements, la dégradation de l’enseignement, le RSA, la casse progressive de la sécurité sociale («...la sécurité sociale est basée sur une idée que les pouvoirs centraux trouvent extrêmement dérangeante, c'est-à-dire la solidarité, le souci de l'autre, la communauté, etc. [...] c'est dangereux parce que ça pourrait les conduire à s'intéresser à d'autres choses.» Noam Chomsky, 2009)…tout ça, ne les concerne pas.

Et puis quand ils se retrouvent au chômage, c’est trop tard.

Ils ont pourtant tout fait comme on leur avait dit : « Ne vous occupez de rien, on s’occupe de tout. Dormez sur vos deux oreilles, braves gens ! Consommez ! »

Comme ces gens qui ont acheté des maisons aux États-Unis et qui se retrouvent à la rue aujourd’hui…(visitez le site où j'ai piqué l'image)

Trop tard…

CC